Entretien avec Nicolas HUCHET, fondateur de My Human Kit – Humanlab

L’association My Human Kit porte le projet Humanlab, premier laboratoire de fabrication numérique dédié à la collaboration entre humains valides ou non. Il est installé dans les locaux de leur partenaire ASKORIA, premier formateur en travail social en France. Le laboratoire de fabrication et de prototypage permet aux personnes en situation de handicap de s’auto-réparer avec l’aide de « complices » ; fabmanagers et autres utilisateurs du fablab travaillent de concert sur les problématiques.

« Ca coûte un bras ! »

Le parcours de Nicolas Huchet permet de comprendre d’emblée la génèse du projet de Humanlab. Après un accident de travail à l’âge de 18 ans, il perd l’usage d’un avant-bras. L’accès à une prothèse coûte près de 40 000 euros. Le déclic arrive quand il découvre qu’il ne peut pas se faire rembourser sa prothèse de main. Presque 10 ans après son accident, il passe la porte du Labfab de Rennes au départ simplement pour sortir parce qu’il n’a pas de travail à cette époque. Il découvre qu’il est possible de faire soi-même des mains robots avec une imprimante 3D à partir de plans open source trouvés sur Thingiverse, site de téléchargement d’objets. Dans le moteur de recherche, il tape « main » et trouve InMoov de Gaël Langevin. "Ca a donné une raison à mon handicap."

Dans plusieurs interventions publiques, Nicolas revient sur son parcours et son cheminement avec le handicap. C’est plein d’autodérision qu’il se rappelle avoir « serré des mains à tout le monde à la MakerFaire d’Italie, puis en Russie puis aux Etats-Unis ». Une forme de guérison qui se partage et se transmet grâce à sa BionicoHand. Cette renaissance s’opère au gré des erreurs de fabrication. Cette indispensable persévérance est reconnue par de nombreux prix et concours. Toutes les contraintes, Nicolas a su les transformer en opportunités et surtout en projet d’intérêt social. Parce qu’il est complètement incarné, Nicolas arrive à se salarier en 2016 après 3 à 4 ans de montage.

Humanlab, c’est aujourd’hui une équipe de 15 bénévoles (demandeurs d’emploi, étudiants, entreprises, personnes en situation de handicap…) et 6 salariés : 3 fabmanagers, un responsable administratif, un coordinateur et un chargé de relations media et partenariats.

Le HumanLab, un processus pour accepter son handicap

À la question, peut-on tout solutionner ? Évidemment non. La promesse serait trop grande à tenir. Les principes du Humanlab : faire avec les personnes concernées, pas de contraintes de productivité, pas de différences d’accès liées aux niveaux d’études, tout mettre en open source. C’est une alternative aux solutions coûteuses. Les tentatives de fabrication relèvent aussi pour le Humanlab d’un processus qui vise à guérir psychologiquement, d’être dans la recherche de solutions pour soi-même. Dans ce lieu de résilience, encore unique en son genre, chaque personne contribue aux problématiques des autres. L’aspect collectif et solidaire du Humanlab redonne de la force en pensant et créant ensemble. 

L’implantation du Humanlab au sein d’ASKORIA n’est pas neutre ; ce centre de formation pour éducateurs sociaux peut ainsi travailler avec un nouvel outil. Les stagiaires de la formation ont accès à de nouvelles méthodes pour appréhender le handicap et la présence des encadrants et formateurs sociaux complète l’approche technique du fablab.

Tous les jeudis, les résidents d’un Institut Médico-Educatif viennent avec leurs encadrants. C’est un vecteur de liens entre les professionnels du social et ceux du champ technique. Le fabmanager joue un rôle essentiel dans ce rapprochement ; "c’est un savant mélange entre un animateur BAFA et un ingénieur ».

L’opensource, l’alpha et l’omega du fablab

Le fablab a ses limites en termes de réalisations mais, vous l’avez compris, la promesse n’est pas technique ; elle est avant tout sociale. Le souhait du Humanlab serait d’avoir des lieux-solutions très diversifiés pour répondre aux différentes problématiques de handicaps. Du hackerspace au fablab intégré à l’hôpital, sa capacité à être proche des personnes est illimitée.

Le partage en open source est à la fois le déclencheur et le but de Humanlab, il est récipiendaire de cette cause commune. D’une utilité quotidienne, le partage des fichiers est vital à tous les projets en son sein et permet de s’adapter plus facilement aux situations.

Ca a donné une raison à mon handicap !

Après le prototypage et les premières années du HumanLab, quelles suites ?

L’équipe actuelle continue à travailler d’arrache-pied sur l’accueil des projets dans cette logique de «handipowerment ». Cette révolution éducative qui mélange le high-tech et le low tech permet de changer le regard des gens mais surtout celui des personnes en situation de handicap ont d’elles-même, en faisant de leur problème LA solution.

L’équipe réfléchit actuellement à un essaimage pour faire des « bébés » Humanlab à travers une charte de bonne conduite. Sur un autre volet, complémentaire et conscient du pouvoir mais aussi des limites de l’impression 3D, Nicolas Huchet rejoint l’équipe d’ORTHOPUS à Nantes en compagnie de David Gouaillier pour élaborer des solutions techniques plus poussées. En charge du développement de partenariats, Nicolas Huchet est ambassadeur de cette promesse de qualité, de prix abordable et de logique open source qui permettra à l’entreprise de Recherche et Développement de réaliser des prothèses plus qualitatives. Ingénieurs, bousculez-vous, l’entreprise recrute !

Lucile AIGRON

Entretien extrait de la Revue sur les tiers-lieux #2.

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